Jeanne
Jeanne a accepté de reprendre contact avec moi au final. Elle m'a rajouté un Dimanche (où j'étais absent et de toute façon fort occupé, évidemment), en me demandant si je voulais reparler. Ca a bien sûr relancé une pléthore de grosses émotions ; je n'irais pas jusqu'à dire que je me refais des films, c'est juste que bon, elle a été très importante dans ma vie (à peu près autant que dans le sens inverse, de ce que j'ai cru comprendre du dernier texto qu'elle m'a envoyé), ce qui me rend tout chose quand une possibilité de pouvoir renouer contact avec elle se présente. Sans compter les rêves étranges que j'ai fait par la suite (notamment où elle me susurre à l'oreille un langoureux "tu es le plus beau, Kilian", merci psyché, j'avais pas vraiment besoin de ça), sa question est assez pertinente. Je voulais parler? Ma foi, oui, mais de quoi? Je me rends compte que quand je lui ai posé la question en Juin de si ça l'interessait qu'on reprenne contact, je n'étais pas vraiment sûr de ce que je demandais. On a pris... quoi... sept mois dans les pattes? Elle a brusquement coupé tous les ponts en Mars, si je me souviens, même si entre Janvier et Mars il n'y avait quasiment plus aucun échange de toute façon. Ca fait ... Mars... Avril.. Mai.. 5 mois de silence net. Il peut se passer beaucoup de choses. J'avoue (avec un peu de honte) que j'ai profité de quelques moments où le Facebook de Duncan était allumé et ce dernier absent pour jeter un coup d'oeil sur la page de Jeanne et voir ce qui se passait dans sa vie, à priori deux trois choses assez importantes notamment son séjour en clinique. Ca ne fait pas un carnet d'informations très rempli.
Donc, est-ce que je veux reparler avec elle? Oui, c'est certain. Mon corps ne se met plus autant en branle à l'idée de partager avec elle qu'avant, mais il y a quand même une certaine excitation à l'idée de pouvoir lui parler, surtout si le courant passe. C'était avant tout une amie et je persiste à croire qu'on a toujours la possibilité de s'offrir quelques beaux cadeaux. De quoi est-ce que je voudrais lui parler, surtout? C'est sûr que j'aimerais lui parler de choses, mais elles restent futiles à la fin. Partage de petites anecdotes scientifiques, de l'avancement du 3e opus du célèbre sorceleur, de la nouvelle mise à jour de Dwarf Fortress... Rien de très juteux. Peut-être quelques morceaux de musique, aussi, plaçons ça sur le socle de la balance histoire de rajouter du poids. Ca reste bien maigre face au poids opposé : le fait qu'elle n'aie pas grand-chose à me dire. Pour être franc, je n'en sais rien. Je suis complètement dans le nouveau en ce qui concerne un potentiel renouement de contact avec elle, donc autant y donner ce qu'on a et voir ce que ça donne. Ce n'est pas une question de vie ou de mort, et en ce qui nous concerne, c'est mort donc on ne part que vers le haut ou au moins on reste mort, ça peut pas être pire.
Il me prend de temps en temps de repenser à ce qu'on a vécu, aux bons moments, aux mauvais moments, au début et bien sûr à la fin. Il n'y a pas grand-chose que je regrette plus que cette fin de relation, que j'encaisse dans le ventre comme un échec, comme le fait que je n'ai pas vraiment été à la hauteur. La rancoeur s'installe très facilement et me fait bouillir au fond, la jalousie d'avoir été "remplacé" aussi vite, d'avoir perdu ce que je considérais comme le plus beau (ou un des plus beaux) cadeau(x?) que la vie m'aie fait. Parfois, le soulagement vient faire coucou, savoir que je n'ai pas à faire six cents bornes pour aller la voir, ne pas avoir à supporter Edwin ou les gnoccis (j'aimais beaucoup Edwin, mais c'est toujours légèrement de gérer un Landseer qui est traité comme un pacha, surtout quand il ne s'agit pas du sien). De ne pas avoir cette épée de Damoclès nommée Fingo au-dessus de la tête (elle est tombée, j'en ai chié, c'est du passé n'en parlons plus). Me satisfaire du fait que si j'avais fait toutes les bêtises que j'ai fait cette année alors que j'étais en relation avec elle, je ne me le serais jamais pardonné et ça aurait foutu encore plus de toxine dans notre couple.
Je repense avec douce-amertume du début, où je détestais franchement Jeanne car j'étais persuadé que j'allais en chier quand ça allait s'arrêter (et bim, mon intuition a vu juste à l'époque), aux premiers moments fougueux et où Jeanne était vraiment une personne toute autre, bien moins pessimiste et draine-vigueur, voire toxique qu'elle était sur la fin de notre relation, une Jeanne énergique et non pas passive-agressive, qui n'hésitait pas à me confronter comme une vraie Capricorne. Je repense à qui j'étais à l'époque, un gars complètement paumé et dépressif, neurasthénique et pas honnête pour un sou. Orgueilleux, agressif, casse-burnes, et renfermé comme une huître. C'était une autre époque et va savoir si on a vraiment tant évolué que ça.
Ce que je retiens surtout, c'est qu'elle a au cours de notre relation été d'un soutien et d'une guidance, d'une voyance hors du commun. Elle a réveillé quelque chose en moi que j'avais mis dans une boîte et dont j'avais oublié jusqu'à l'existence. L'amour des sciences. Aussi bête que ça puisse paraître, ça m'a permis de me redécouvrir une vocation, une aspiration. Si modeste puisse-t-elle être, l'idée de devenir technicien en santé animale me réjouit au fond. Elle m'a permis de me rediriger et ça, c'est la grande leçon de notre relation. On a fait notre bout de chemin, et même si je n'ai aucune idée de ce que j'ai pu être pour elle, ce n'est pas important ; l'important est qu'elle a été beaucoup pour moi à l'époque. Ce bout de chemin est fait, et la forme des choses a fait que notre relation n'avait plus lieu d'être.
Tout simple, tout bête, comme quand la pluie s'arrête.
Je persiste à croire que Fingo est un abruti de première (qui ne sait pas écrire proprement pour sauver sa vie) et aussi original que du carton de déménagement, et que Jeanne aurait quand même pu se caser avec quelqu'un d'un peu moins pourrave. Après, j'aime bien mâcher du plastique donc à chacun ses gros derp.